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De la controversée « Loi Travail »…à un renforcement de la VAE !
De la controversée « Loi Travail » … à un renforcement de la VAE
« Visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s », la « Loi Travail » n’est certainement plus à présenter. Cela fait, en effet, quelques quatre mois [1] qu’elle monopolise vivement l’actualité, suscite des débats houleux et passionnés, divise des Français et des syndicats. Actuellement en discussion au Sénat, elle aura un impact notable sur la validation des acquis de l’expérience et ses acteurs. Qu’en est-il concrètement en termes de VAE à l’heure où le Sénat l’examine article par article ? Conscients que le texte de loi pourrait encore évoluer, nous vous proposons de décrire – dans les grandes lignes – les changements possibles et notables en nous fondant sur le projet de loi et le rapport fait au nom de la Commission des Affaires Sociales du Sénat.
L’ambition de la « Loi Travail » pour la VAE …
Dans « un monde où les actifs seront de plus en plus amenés à changer d’emploi au cours de leur carrière », le projet de loi reconnait la VAE comme « un moyen pour les travailleurs de faire reconnaître leurs compétences et leurs aptitudes et qui est de nature à favoriser les transitions professionnelles dans un monde » [2]. Le constat est alors dressé que « les dispositions législatives actuelles manquent […] encore de cohérence et de clarté tant dans la nature des expériences à prendre en compte que dans le contenu des étapes du processus et sa mise en œuvre » [3]. Cette situation participe à la complexification du processus qu’il convient de clarifier, d’assouplir. La « Loi Travail » poursuit alors plusieurs objectifs : « la fluidité du processus, son adaptation aux réalités du marché de l’emploi et aux enjeux de mobilité professionnelle à moyen terme ainsi que la nécessité d’éviter toute interprétation non conforme à l’esprit des textes législatifs […] » [4]. Consacrant son article 34 à la VAE, elle ambitionne de la réformer afin de relancer son développement et d’en faciliter l’accès.
Les principaux points susceptibles d’évoluer
- La durée d’activité
Ce qui pourrait changer : La « Loi Travail » ramène la durée d’activité (continue ou non) requise – pour qu’une demande de validation soit recevable – de 3 ans à 1 an dans le but de permettre à des personnes peu ou pas qualifiées de bénéficier de la VAE. Il est alors considéré que cette durée « en rapport avec la certification visée ne représente pas une condition systématique de réussite d’un parcours VAE, notamment pour des certifications de premier niveau » [5]. Cependant, au Sénat, l’amendement 30 – qui a été adopté – ajoute une condition à cette disposition comme suit : l’activité doit avoir été exercée en continu ; c’est-à-dire sans interruption. Au-delà, la « Loi Travail » prévoit la prise en compte – dans la durée d’activité – des « périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel » [6] ; ces périodes étant obligatoires pour le CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) et le baccalauréat professionnel par exemple. Cette disposition, autrefois réservée aux personnes n’ayant pas atteint le niveau V (BEP : Brevet d’Etude Professionnelle, CAP)[7], serait désormais applicable à tous les candidats VAE.
Notre avis : La réduction de la durée d’activité aurait sa pertinence mais ne serait pas sans effets pervers. Par exemple, elle pourrait impliquer la dévalorisation des certifications obtenues auprès des employeurs ; du côté des certificateurs, certains (notamment les universités et écoles) pourraient décrier le dispositif de la validation des acquis de l’expérience arguant également de la dévalorisation des diplômes qu’ils délivrent. Au-delà, il y a tous ces acteurs – doutant encore de la VAE ou n’y adhérant malheureusement toujours pas – qui auraient un nouvel argument pour l’attaquer comme ils le font déjà et plutôt à tort. Un autre effet pervers : le taux de validations partielles et nulles pourrait augmenter. Deux raisons plausibles. Premièrement, la loi devrait augmenter le recours à la VAE. D’où un marché qui – dans la continuité de la loi du 5 Mars 2014 – attirerait certainement de nouveaux accompagnateurs inexpérimentés voulant profiter de son potentiel. Deuxièmement, la réduction de la durée d’activité en rapport avec la certification visée si bien sûr cette durée représente une condition systématique de réussite d’un parcours VAE (notamment pour des certifications de premier niveau). Les accompagnateurs devraient donc intégrer ce risque – alors plus important – de validations partielles ou nulles ; l’objectif étant de le neutraliser sinon le minimiser. Des diagnostics plus poussés seraient plus que nécessaires ; une offre de formation adéquate et complétant son expérience pourrait être proposée au candidat dans cette optique. Toutefois, nous devrions être très vigilants et dénoncer toute commercialisation abusive de formations. En effet, si la formation permet d’entrer dans une logique de parcours qui nous semble très bien, des acteurs pourraient être tentés de commercialiser des heures de formation qui ne s’imposent pas et ont pourtant leurs coûts.
- La reconnaissance de parties de certification constituant un bloc de compétences
Ce qui pourrait changer : selon le dispositif en vigueur, les parties de certification obtenues – issues alors d’une validation partielle – sont acquises pour 5 ans à compter de la notification de la décision du jury. Dans le cadre de la « Loi Travail », ces parties sont définitivement acquises ! Il y aurait donc reconnaissance et validation de blocs de compétences décrits comme « des éléments identifiés d’une certification professionnelle s’entendant comme un ensemble homogène et cohérent de compétences » [8]. La VAE serait donc composée de « modules ». Ce qui permettrait à un candidat d’avancer « module » par « module », au rythme de la singularité de ses réalités, sans la pression du temps. Les certificateurs devront, dans un tel cas de figure, adapter leurs règlements (certifications du monde économique) ou textes réglementaires (ministères certificateurs). Au-delà de ces impacts juridiques, la « Loi Travail » aurait des impacts administratifs pour les organismes certificateurs ; ces derniers devant « faire évoluer progressivement leur base de données à la fois pour assurer le suivi des parcours prévu par la loi du 5 mars 2014 et intégrer le dynamisme des parcours non plus lié à une seule certification mais aux diverses possibilités de validations partielles, passerelles entre certification et diversité des modalités d’accès à la certification » [9].
Notre avis : Les certificateurs vont devoir, dans un premier temps, adapter leurs référentiels en termes de blocs de compétences. A ce sujet, la tentation d’une division des diplômes en de nombreux blocs sera forte. En effet, c’est là l’occasion de bénéficier d’une offre de formation courte « CPFisable ». La CNCP (Commission Nationale de la Certification Professionnelle), ainsi que les OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) et OPACIF (Organisme Paritaire Agréé au titre du Congé Individuel de Formation) devront être les gardiens du temple à ce niveau. Cependant, qui peut dire quel est le bon nombre de blocs de compétences cibles pour chaque diplôme ? La réflexion sur ce sujet devrait suivre la seule logique pédagogique qui doit fournir une organisation lisible, modulaire et cohérente des diplômes.
- L’entretien professionnel
Ce qui pourrait changer : Avec la « Loi Travail », l’employeur serait obligé d’informer le salarié sur la VAE à l’occasion de son entretien professionnel. Cette disposition a toutefois été supprimée au niveau du Sénat à travers l’amendement n°369 qui a été adopté. Au Sénat, une telle obligation « est apparue comme une lourdeur inutile ».
Notre avis : nous regrettons cette suppression. L’obligation aurait contribué à la promotion du dispositif de la validation des acquis de l’expérience qui reste assez méconnu dans de trop nombreuses entreprises.
- Le congé de VAE
Ce qui pourrait changer : Afin de faire valider les acquis de son expérience, le salarié dispose d’un droit à un congé spécifique. La « Loi Travail » supprimerait les conditions d’ancienneté pour les salariés titulaires d’un CDD. Elle leur donnerait donc les mêmes droits qu’un salarié en CDI. Au niveau de l’Assemblée Nationale, cette disposition a été complétée à travers un allongement de la durée du congé de VAE qui – selon le dispositif en vigueur – ne peut excéder 24 heures par validation. Cet allongement s’inscrirait dans le cadre d’une convention ou d’un accord collectif et ce, en faveur des salariés qui n’ont pas atteint un niveau IV de qualification ou encore dont l’emploi est menacé par les évolutions économiques ou technologiques. Il a été approuvé au niveau du Sénat.
Notre avis : avec la suppression des conditions d’ancienneté qui devrait hausser de façon considérable le recours à la VAE, la « Loi Travail » est porteuse d’une certaine justice sociale. Dans le cadre de leurs congés de VAE, les salariés en CDD et en CDI pourraient jouir des mêmes droits et être soumis aux mêmes conditions de rémunération ; laquelle serait « alors égale au salaire qu’aurait perçu le salarié s’il était resté à son poste de travail et est versée par l’employeur qui doit ensuite être remboursé par l’OPCA » [10].
La « Loi Travail », entre impacts probables et regrets
La « Loi Travail » devrait impacter de façon significative les acteurs du monde de la VAE. « Les accompagnateurs devront renforcer leurs activités d’ingénierie des certifications, proposer des diagnostics approfondis ; ces derniers devant particulièrement s’inscrire dans une logique d’aide à la construction de parcours. Cette loi sous-entend donc un nouveau défi pour le monde de l’accompagnement. Avec plus d’une décennie d’expertise, VAE Les 2 Rives en est conscient ; sa mission étant d’accompagner chaque candidat vers un nouveau départ fondé sur sa singularité, ses attentes » ; souligne David Rivoire. Cette loi devrait aussi renforcer, donner un souffle nouveau à la VAE. « Le nombre de certifications délivrées chaque année stagne en effet depuis de nombreuses années autour de 30 000, très en-deçà du besoin potentiel de reconnaissance des compétences acquises » [11].
Toutefois, au-delà de la suppression de l’obligation d’informer le salarié sur la validation des acquis de l’expérience à l’occasion de son entretien professionnel, s’il y a bien un regret à surligner, c’est sans doute l’absence d’une disposition permettant le financement de la phase de choix du diplôme et d’obtention de la recevabilité ; cette dernière n’étant pas reconnue comme une prestation éligible au financement de la formation professionnelle et devant pourtant être inscrite dans « une véritable logique d’accompagnement » : « hormis l’information qui lui est apportée, l’accompagnement offre au candidat l’opportunité d’une vision claire et réaliste sur son projet, avec le ciblage du diplôme et du certificateur adéquats, ainsi que l’évaluation de ses chances de réussite, rendant le projet plus concret. Sa motivation et sa disponibilité sont également évaluées » [12]. Pourtant, de trop nombreux candidats – parmi ceux s’informant sur la VAE – abandonnent encore durant cette phase du fait particulièrement d’un manque de prise en charge. Voilà donc un sujet qui mérite toute l’attention du législateur s’il veut bien sûr favoriser le recours à la VAE, baisser de façon considérable les abandons lors de cette première phase, et permettre à de très nombreuses personnes de transformer leurs expériences en un diplôme.
En attendant la suite …
Au Sénat, les débats relatifs à la « Loi Travail » ont été ouverts ce 13 juin et ce pour deux semaines. Le projet de loi devrait revenir à l’Assemblée Nationale en juillet. Le Gouvernement, quant à lui, devrait encore avoir recours à l’article 49-3. A suivre donc !
Abdoul Karim KOMI
Responsable R&D
VAE Les 2 Rives
Projet de loi http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3600.pdf
Rapport fait au nom de la Commission des Affaires Sociales http://www.senat.fr/rap/l15-661-1/l15-661-11.pdf
[1] L’avant-projet de loi a été présenté le 17 Février
[2] Rapport fait au nom de la Commission des Affaires Sociales (p.402)
[3] Projet de loi (p.277)
[4] Projet de Loi (p.278)
[5] Projet de Loi (p.278)
[6] « Les périodes de formation en milieu professionnel (…) correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève (…) acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil. » (Article L. 124-1 du code de l’éducation).
[7] Pour connaître les niveaux de formation selon l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/niveaux-formation.htm
[8] https://www.defi-metiers.fr/breves/le-copanef-definit-la-notion-de-bloc-de-competences
[9] Projet de Loi (p.279)
[10] Rapport fait au nom de la Commission des Affaires Sociales (p.400).
[11] Projet de loi (p.279)
[12] http://leblogdelavae.com/quel-perimetre-pour-laccompagnement-vae/