Constats: les freins au bon fonctionnement de la VAE
Au regard de l’experience qui est la nôtre après de plus de 2 500 VAE, nous avons dressé ce qui nous semble être les problèmes de fond freinant le bon fonctionnement de la VAE.
L’immobilisation et le cloisonnement
Immobilisme et cloisonnement , des deux mots s’appliquent à la VAE et contribuent forcément à freiner son développement et sa généralisation. L’importance de la reconnaissance de l’expérience comme outil indispensable du développement des parcours professionnels et personnels est-elle bien mesurée en France?
Nous préférons penser qu’un terrain de dialogue existe entre les différents acteurs de la VAE pour la décloisonner, pour qu’elle ne soit plus un dispositif à part, mais un dispositif parmi tant d’autres, pour qu’elle soit reconnue unanimement comme une autre voie possible d’accès au diplôme et à la sécurisation des parcours et qu’elle appartienne, de plein droit à un ensemble: celui du système éducatif.
L’absence d’outils de mesure
Comment améliorer la VAE plus efficacement si on ne dispose pas de moyens aléatoires pour mesurer sa portée et son efficacité?
Catherine Claude-Morel suggère que soit créer un extranet « full web » mutualisé faisant office d’indicateur statistique, mis en place sur la base d’une configuration et d’indicateurs faisant l’objet d’un tronc commun fixé par les différentes structures chargées du processus. Il permettrait d’avoir accès à l’ensemble des données et des statistiques et un suivi précis par régions des parcours VAE. il serait alors en mesure de fournir des données précises pour estimer l’efficacité de la VAE.
De même, si le formulaire Cerfa possédait une interface plus attractive et si on en imposait la pratique, il deviendrait un indicateur très précieux. Il aurait le mérite de réunir l’ensemble des données de tous les acteurs de la VAE, qu’ils soient publics ou privés.
La concurrence du bilan de compétences
Le bilan de compétence consiste à faire le point sur sa carrière, à lister ce que l’on a fait, les compétences et aptitudes que l’on possède, les tâches ou responsabilité que l’on aime ou pas assumer etc. afin de s’interroger sur son projet professionnel.
La VAE consiste à faire le point sur ce que l’on sait faire, permet de définir l’ensemble du savoir acquis et de valider ces acquis par l’obtention d’une certification. Le bilan de compétence réalisé en amont d’une VAE pourrait aider cette dernière à mieux se faire…mais il peut parfois être un obstacle à franchir pour mieux comprendre les enjeux du parcours de la VAE. Mais il est important de noter que ces deux dispositifs se complètent et ne sont donc pas concurrents: l’un au service de la construction d’un projet de vie, l’autre pour l’obtention d’un diplôme.
Mais la question est: en terme d’évolution professionnelle de quoi ai-je besoin? D’un bilan de compétence ou d’une VAE? La VAE n’est presque jamais proposée au sein de l’entreprise lorsqu’est mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi. Il est est de même dans les organismes publics tels que Pôle Emploi, il est systématiquement proposé non pas une VAE mais un bilan de compétences. Pourquoi? Parce que son dispositif n’est pas complètement maîtrisé par les agents chargés de l’information, parce que beaucoup de conseillers l’ignorent, par intérêt financier…
Cette déconsidération de la VAE pousse les organismes à n’établir aucun lien entre les deux. Il serait bien de parler de complémentarité entre bilan de compétences et VAE: le premier intervient à un moment de la carrière où la personne interroge son avenir, la deuxième pour reconnaitre ses compétences acquises pour mieux les valoriser.
Les erreurs internes
En réalité, très peu d’erreurs conceptuelles ont été commises dans l’élaboration interne de la VAE. Ces erreurs, très peu soient elles, nous semblent possiblement rédhibitoires. leur incidence pourrait porter atteinte en premier lieu au candidat qui pourrait y voir une forte motivation…pour se décourager!
La complexité du dispositif
6 candidats sur 10 estiment « difficile » de faire une VAE. Délai d’attente, déficit d’information, problème de formation des jurys, opacité des démarches, maquis des certifications représentent des raisons de complexité du dispositif.
Avoir ou non son diplôme
Le jury peut avoir le vieux réflexe du DRH: disparité entre deux personnes n’ayant pas le même niveau mais concourant pour le même diplôme par le biais de la VAE. Il se forge une première impression de la valeur d’un individu sur son nombre de diplôme avant de s’intéresser à la personne et à son expérience. Ce jugement est préjudiciable: en quoi le point de départ pourrait-il être un critère de jugement quand ce qu’il faut apprécier est un parcours d’expérience?
Les 3 ans d’expérience
En imposant 3 ans d’experience pour bénéficier d’une VAE, la loi 2002 a élargi le dispositif à un plus large public (la VAP posait une condition de 5 ans). En même temps, elle l’a rendu plus difficile en compromettant indirectement, l’acces des diplômes du supérieur qui demandent 7 ou 8 années d’études.Pour les professeurs d’universités: comment pourrait-on délivrer un diplôme bac+ 5,6 ou 7 à quelqu’un qui a seulement 3 ans d’expérience professionnelle? Il faut bien l’admettre, trois ans d’expérience pour avoir un CAP ou un bac professionnel est acceptable mais mais cela ne l’est plus lorsqu’il s’agit d’un bac +8. Cela vient aussitôt renforcer le préjugé décrit précédemment…
Le choix d’être passé à trois années d’expérience au lieu de cinq était de rendre plus accessible la VAE à un maximum de personnes par rapport à la VAP et de lui donner ainsi un maximum de chances de se généraliser. Mais ce choix a impacté négativement le processus puisque, quand le niveau d’expérience est insuffisant, le verdict tombe: le certificateur oppose son véto. Il serait donc peut-être judicieux de faire figurer sur le référentiel de compétences du titre, sans mention d’obligation, un nombre d’années d’expérience conseillées par le certificateur…
L’absence de diagnostic
Aujourd’hui cette étape est trop négligée. Pourtant, les Centres et Points Information Conseil sont là pour venir en aide aux candidats au niveau de leur projet professionnel, du repérage de la bonne certification et du financement. Alors pourquoi une telle déperdition des candidats? Le temps consacré à cette étape est-il trop court? Mauvaise formation des conseillères? Absence de liens entre conseillers et certificateurs? En tout cas, cette étape et cruciale et determinante car c’est de là que dépendra la réussite de la VAE.